vendredi 13 mars 2009

Happy End

Demain matin, je dois te rendre visite.
Depuis plusieurs mois qu'il est mort, nous avons pu nous réapprivoiser, nous redécouvrir et les choses se passent mieux maintenant.
J'ai du mal à y croire mais je prends maintenant beaucoup de plaisir à te voir et te parler. Je n'aurais jamais cru cela possible il y a à peine 1 an.
Je me rends compte maintenant qu'il mettait véritablement une barrière entre toi et moi et, c'est peut-être méchant à dire et à penser, mais je suis vraiment contente qu'il ne soit plus là.

Il y a quelques semaines, le ton est un peu monté entre nous et tu m'as dit que tu avais lu ce livre, "Parents toxiques", dans lequel j'avais souligné pleins de mots, pleins de phrases, et tu m'as dit que cela t'avait fait du mal. Beaucoup de mal.
Je me doute bien qu'il n'a pas dû être simple pour toi de le lire et prendre conscience de tout le mal enduré pendant toutes ces années, mais au vu de tout le bien que nous pouvons vivre maintenant, n'était-ce pas un mal nécessaire ? Je reste convaincue que si.

Demain matin, je dois te rendre visite. Et je serai vraiment heureuse de serrer ma maman dans mes bras.
Je découvre depuis plusieurs mois ce que c'est, d'avoir une mère. Une vraie. Qui est là pour m'écouter, me soutenir, qui s'intéresse à ma vie. Qui ne me casse plus sans cesse, qui ne me détruit plus avec ses phrases assassines. Une maman, tout simplement.

mardi 21 octobre 2008

Happy (birth)day

Aujourd'hui, c'est son anniversaire, il aurait eu 58 ans.
Aujourd'hui, c'est son anniversaire et il est mort depuis 65 jours.
Toi, maman, tu pleures. Tu te sens mal, il te manque. Mais malgré ça, tu continues d'avancer. Tu te bats contre son fils pour honorer la mémoire de son père, le testament n'est pas en sa faveur et ça l'énerve, il te cherche des problèmes, te menace alors que tu seras la seule à avoir soutenu son père toute sa vie. Ce soir, en sa mémoire, tu t'es laissée invitée au restaurant grec par ta meilleure amie. Parce que cet été, s'il n'avait pas été malade, vous auriez dû partir en vacances en Grèce. Petit clin d'oeil. Que je ne comprends pas trop mais c'est ton choix. Je ne pourrais pas aller au restaurant le jour de l'anniversaire de mon amour s'il était mort ...

Aujourd'hui, c'est son anniversaire, il aurait eu 58 ans.
Il est mort depuis 65 jours et depuis sa mort, j'ai retrouvé ma mère. Je sais enfin ce que c'est d'en avoir une.
Tu me poses des questions sur moi, sur ma vie, tu t'y intéresses, tu essaies de m'aider dès que tu sais que ça ne va pas très bien pour certaines choses, tu recommences à venir chez moi régulièrement, ce que tu ne faisais plus depuis 3 ans.
Tu fais des projets : te chercher un appartement dès que la maison sera vendue, avoir un perroquet comme animal de compagnie, partir l'année prochaine en vacances. En Grèce, comme il aurait voulu. Tu parles de prendre des cours de diction, tu adorais ça quand tu étais ado ! T'acheter un ordinateur et surfer sur internet alors que tu n'as jamais touché un clavier de toute ta vie.
Je suis heureuse de voir que tu ne sombres pas malgré la douleur de l'avoir perdu.

Aujourd'hui, c'est son anniversaire, il aurait eu 58 ans.
65 jours qu'il est mort et moi, je vais bien. Tout ne roule pas toujours très bien dans ma vie, j'ai quelques petits soucis, comme tout le monde, mais rien de bien grave. Le pire sont mes problèmes relationnels avec les gens, des problèmes au niveau sentimental aussi. Mon incapacité à me lier vraiment aux autres, mon habitude à toujours rester sur la défensive, à ne pas faire confiance. Mon incapacité à gérer une relation depuis plus de deux ans, et encore moins à tourner la page. Et mon incapacité à aimer une des rares personnes qui ne me fait que du bien depuis que je l'ai rencontré, comme si je ne croyais pas qu'il puisse être vraiment gentil et correct avec moi, comme si je n'avais pas droit au bonheur. Je m'interdis en fait d'être heureuse, par peur de voir ce bonheur brisé.

Aujourd'hui, c'est son anniversaire, il aurait eu 58 ans.
65 jours qu'il est mort et ... je suis heureuse qu'il le soit.

mercredi 1 octobre 2008

On n'oublie jamais rien, on vit avec

45 jours qu'il est décédé.
45 jours que mon cauchemard est terminé. Enfin, presque.
Parce que oui, le souvenir de ces moments horribles reste à jamais gravé en moi.
Je me souviens l'odeur de ton sang, maman, quand il te battait et te laissait pour morte à même le sol. Je me souviens de l'odeur de la bière et de la cigarette, mélange nauséeux qu'il a fallu supporter pendant si longtemps. Je me souviens du bruit de ta tête heurtant le bord de la baignoire, les coups successifs et incessants. Je me souviens de tes cris me réveillant la nuit.
Et je me réveille encore en sursaut, en sueur, 15 ans plus tard.
Mais les choses ont changé. Il n'est plus là.
Il faut maintenant s'habituer à son absence et à la liberté retrouvée. C'est dingue comme je vois les choses autrement, comme nos vies ont déjà changé en si peu de temps. Au delà de ta tristesse, je te vois doucement revivre, reprendre goût aux choses simples, celles que tu avais oubliées.
Depuis le jour de sa mort, tu t'intéresses à moi, à ma vie professionnelle, à mes amours. Je ne savais pas ce que c'était d'avoir une mère, maintenant je sais.
Je n'en ai pas l'habitude et j'ai du mal à me dire que tout va bien entre nous. Je m'attends sans cesse à la remarque qui tue, au coup de poignard dans le dos, mais rien ne vient. Tu es là, tu souris, je te sens comme libérée. Et je le suis aussi, même si beaucoup de choses restent en suspens. J'ai essayé d'aborder certains sujets avec toi mais revenir sur le passé t'est inadmissible. C'est fini, il est mort, on n'en parle plus. C'est si facile... et si dur en même temps car la souffrance a été là, et elle l'est toujours. Mais d'un autre côté, je me dis que tu as raison : regarder en avant, avancer, vivre l'instant présent, faire des projets pour le futur ... essayer d'oublier et pardonner ?

samedi 23 août 2008

Amen

Les obsèques ont eu lieu hier.
Il est parti en fumée, réduit en cendres.
Il voulait se faire incinérer, il ne reste plus de lui qu'une urne dans un cimetière. Et des souvenirs plein la tête.

J'ai pleuré de soulagement dimanche quand j'ai appris sa mort. Un de mes pires cauchemars se terminait enfin.
Il m'a gâché la vie pendant 27 ans, me traitant de folle à enfermer à l'asile, battant ma mère, ne cessant de prendre les gens pour des moins-que-rien, rabaissant sans cesse les autres par son comportement méprisant, violent et agressif.
L'odeur de bière a disparu de la maison, l'odeur de cigarette également. On peut enfin y respirer un air sain et ça fait du bien.
La maison semble vide, calme. Et ça aussi, on avait oublié ce que c'était.

Cette semaine fût très difficile car les gens ne sont pas au courant de la situation, ils ne l'ont jamais été.
Pendant des années, nous avons tous joué un rôle, celui de la parfaite petite famille sans histoires.
Dire qu'on se détestait, que notre quotidien était fait de son alcoolisme et de son agressivité, de ses coups, de ses insultes, ça paraîtrait incroyable aux yeux des gens. Ils le savaient sale caractère et souvent de mauvaise humeur, mais pas au point de battre sa femme et semer la terreur au sein de sa propre famille.
Et pourtant...

Toi, maman, tu vas très mal.
Car malgré tout ce mal, tu l'aimais. Il a été ton homme pendant 27 ans, il est difficile de passer outre, de faire comme si ça ne comptait pas.
Depuis une semaine, tu n'as presque pas dormi ni mangé et lors des funérailles hier, j'ai bien senti que tu étais prête à t'effondrer.

Pour ma part, je vais bien, mais jouer les hypocrites devant les gens a été très pénible pour moi. J'avais envie de leur dire la vérité, tout le mal que je pensais du défunt, leur dire que j'étais soulagée qu'il ne soit plus de ce monde, mais par respect pour toi, je n'ai rien dit, j'ai fermé ma gueule une dernière fois. J'ai tenu bon.

Je n'ai plus versé une seule larme et j'ai entendu quelques personnes se demander pourquoi je n'avais aucune réaction face à ce décès, pourquoi je ne pleurais pas l'homme qui s'était comporté comme un père avec moi.
Une fois de plus, je serai la fille sans coeur, la fille indigne, la méchante, mais je m'en fous. S'ils savaient...

Un autre n'a affiché aucune réaction : son propre fils.
Il a bien sûr fait un scandale à un certain moment, car il voulait montrer qu'il était là, mais il se fiche de son père, seul l'héritage l'intéresse et il l'a déjà montré : son père n'était même pas encore froid qu'il allait déjà chez le notaire pour tenter d'avoir une copie du testament !
Même moi qui n'aimait pas son père, je n'aurais jamais pu me comporter ainsi et manquer de respect à ce point. La moindre des choses aurait été d'attendre que les funérailles soient terminées et que le notaire fasse l'ouverture du testament en temps et en heures...

Les histoires de famille commencent déjà, alors qu'il n'était même pas encore inhumé...
Moi, je m'en fiche, je ne m'en mêle pas, mais je sais que toi, tu en verras des vertes et des pas mûres avec son fils.

Pour moi, c'est juste une nouvelle vie qui commence. Sans lui.
Les choses ont déjà un peu changé : cette semaine, nous préparions les funérailles et j'ai pu observer qu'on avait plus de facilités à communiquer, un vrai miracle.
Je ne sais pas si ça durera, mais qui sait...
Je ne suis pas prête à te pardonner, je n'oublierai jamais certaines choses, et j'ai encore tendance à ne pas vraiment vouloir de toi dans ma vie, mais tu restes la mamy de ma fille et si on peut avoir des relations plus calmes et arrêter de se prendre la tête, ça sera déjà ça de gagné.

Wait & See...

dimanche 17 août 2008

Voilà, c'est fini

C'est fini.
Il est décédé cet après-midi, vers 16h.
Je passais une journée tranquille à la mer avec la petite et deux amies et tu m'as téléphoné ce matin pour me dire qu'il avait été transféré aux urgences. Tu m'as rappelée l'après-midi pour m'annoncer son décès.
J'en ai perdu mes mots quelques minutes, la gorge nouée, les larmes.
Je ne pensais pas que ça me ferait cet effet. Sur le coup, j'étais vraiment triste, comme un gros vide. Mais ça m'est vite passé.
Les larmes de tristesse se sont très vite transformées en larmes de soulagement.
C'est fini.
Il n'est plus là pour faire du mal autour de lui, mon cauchemar prend fin avec lui.
Pendant des années, il a été horrible avec tout le monde autour de lui, rabaissant les autres, les traitant comme des moins que rien, il ne m'aimait pas et m'avait maintes fois dit que j'étais folle et qu'il fallait m'enfermer à l'asile. Je l'ai vu des centaines de fois abattre sa colère sur toi, te laisser pour morte, affalée dans un coin de la cuisine ou de la salle de bains, la tête en sang, le visage complètement explosé.
J'ai passé des nuits d'insomnie, à avoir peur de m'endormir et surtout de me réveiller en sueur, morte de trouille à l'idée qu'il soit toujours là à te massacrer en toute impunité.
Mon cauchemar est désormais fini, je vais enfin pouvoir tourner cette page-là.
Alors oui, je me sens triste, pour toi, parce que je sais que tu vis un moment très douloureux, mais je me sens libre, soulagée, presque bien...
Je lui souhaiterai quand même de reposer en paix... même si je ne suis pas sûre qu'il le mérite...

samedi 16 août 2008

Caché

L'instant que je redoutais est arrivé.
Je suis venue et... et rien. Absolument rien.
Juste un choc en le voyant : il est en effet très amaigri et son teint est jaune. Le foie est atteint, il a des métastases partout, qui se propagent. Le cancer prend un peu plus d'ampleur chaque jour.
Il dort énormément, et quand il ne dort pas, il est quand même ailleurs, il réagit peu à ce qui l'entoure.
Il porte la mort sur son visage.
Les médecins ne lui donnent pas plus de 3-4 semaines à vivre. Il sera probablement décédé pour septembre.
En le voyant ainsi, j'ai ressenti de la pitié : lui qui avait été si violent tout au long de sa vie n'était plus qu'un légume.

J'ai souvent senti dans ta voix que tu étais prête à craquer, j'ai souvent vu tes larmes aux yeux, ces larmes que je sais tu retiendras jusqu'au bout. Tu as toujours eu tellement de mal à avouer tes faiblesses...

A mon grand étonnement, aucun clash entre nous, aucun mot plus haut que l'autre. Je m'attendais pourtant à une liste de reproches mais il n'en fût rien. A tel point que je me suis entendue dire que si tu avais besoin d'aide, je serais là, que tu n'avais qu'à appeler et que je reviendrais aussitôt.

En le voyant là comme ça aujourd'hui, je crois que je lui ai pardonné.
Je me dis qu'il est assez puni pour tout le mal qu'il a pu faire durant sa vie et qu'il a au moins droit à mon pardon, au moins ça...
Je n'oublierai jamais, ça, non, mais je pense lui avoir pardonné aujourd'hui...
Cet homme était rongé par le mal et ce mal l'aura finalement mis KO.

Quant à toi, maman, je ne sais pas...
Tu m'as dit avoir déjà pris quelques dispositions pour son décès, pour ta vie "après", tout a l'air prévu à l'avance, ça me rassure.
Je sais que son fils te déteste et je ne voudrais pas qu'il puisse te mettre dehors, que tu te retrouves sans rien du jour au lendemain.
Je te sais forte et pugnace, j'en ai assez bavé moi-même depuis 30 ans pour le savoir, mais ton homme viendra de rendre l'âme, tu seras sans doute plus fragile, plus sensible, et je refuse que son fils en rajoute par son comportement foireux.

Tu m'as toujours fait beaucoup de mal, mais tu vois, ma rancoeur et ma souffrance n'ont pas fait de moi un monstre, je me fais quand même toujours du souci pour toi. J'ai dit des centaines de fois que je ne t'aimais pas, que je te détestais mais il faut croire qu'il me restait encore un peu d'amour, caché dans un coin...

mercredi 13 août 2008

Sophie ? ... Présente !

Les jours passent et son état se détériore.

Un appel de toi cet après-midi : son cancer lui monte au cerveau, il fait et dit des trucs bizarres, il oublie quel jour on est, il ne reconnaît plus les gens...
Il est toujours à la maison, l'hospitalisation n'est pas encore obligatoire, mais la situation devient critique.

Et il a encore de nombreuses phases où il est parfaitement lucide et vu le peu de temps qu'il lui reste à vivre, tu me demandes de venir une dernière fois le voir avec la petite.

Je n'ai pas envie qu'elle le voit dans cet état, qu'elle se demande pourquoi il ne se souvient pas d'elle, pourquoi il fait des choses bizarres comme rouler une tranche de jambon et essayer d'y mettre le feu pour la fumer, pensant que c'est une cigarette !
Elle n'a déjà de lui que l'image d'un alcoolique qui s'énerve tout le temps, je n'ai pas envie de lui laisser cette dernière image de lui, un homme qui perd la tête à cause de la maladie.

Je n'ai pas non plus envie de le voir.
Mêler la pitié que je ressens pour lui et son état actuel et toute la haine refoulée depuis tant d'années... Je crois que ce serait trop difficile...
Je meurs d'envie de profiter de ses derniers instants de lucidité pour lui cracher tout mon venin au visage, lui dire tout le mal qu'il a pu me faire pendant près de 30 ans, mais en même temps, une partie de moi, une infime partie, a quand même envie de lui pardonner...
C'est bizarre, d'ailleurs, d'osciller entre ces 2 sentiments : la haine et la pitié, la rancoeur et le pardon...

Je n'ai pas envie de venir le voir et pourtant, je crois que je le ferai.
Pas pour lui, ni pour ma fille. Encore moins pour moi... mais pour toi, maman... parce que malgré tout le mal que tu as pu me faire toi aussi, tu te retrouves seule pour gérer tout ça et je ne me donne pas le droit de vraiment t'abandonner dans cette épreuve. Je ferai donc acte de présence. Ne m'en demande pas plus.