mardi 25 décembre 2007

Tu parles d'un cadeau...

Comment ai-je pu être assez bête pour y croire, une fois de plus ?
Comment ai-je pu espérer que tout était en train de changer ?
Je suis venue avec le sourire, première fois depuis bien longtemps, les bras chargés de cadeaux et une fois de plus, le sourire s'est envolé et c'est en regardant mes pieds que je suis rentrée chez moi.
Pourquoi tu es comme ça avec moi ? As-tu vraiment décidé de passer ta vie à gâcher la mienne ?
Qu'est-ce que je t'ai fait, bordel de Dieu ??!!

Depuis deux mois, tout allait mieux, tu avais tellement changé... Trop pour être vrai... Trop pour que ça dure...
J'avais raison de rester sur mes gardes. Je m'en voulais mais j'avais raison, je le savais, je le sentais... mais bêtement, je pensais que tu attendrais que les fêtes soient passées... Quelle conne !

Bien sûr, ta coutume à toi veut que les cadeaux soient réservés uniquement aux enfants. Tu as décidé depuis bien longtemps que les adultes n'y avaient pas droit. Super Noël...
Malgré tout, vu notre bonne entente depuis deux mois, et afin de fêter notre premier Noël ensemble depuis 10 ans, je suis venue les bras chargés de cadeaux... que tu as ouverts en râlant, parce que j'avais, selon toi, fait des frais inutiles.
"Tu sais bien que chez moi, les cadeaux, c'est que pour les enfants", "j'ai l'air de quoi, moi, maintenant, avec tes cadeaux alors que je n'ai rien à t'offrir", "tu aurais pu me le dire", "t'es même pas fichue de respecter les coutumes"...
Ben justement, maman, la coutume à Noël, c'est d'offrir des cadeaux aux gens qu'on aime... et là, j'avais juste envie de te faire plaisir... Je me fiche de ta coutume de n'offrir des cadeaux qu'aux enfants !! Je n'attendais pas de cadeaux en retour, loin de là... Juste un sourire... Etait-ce trop demandé ?!
Je n'avais jamais vu quelqu'un faire cette tête parce qu'on lui offrait des cadeaux ! Et à côté de ça, râler parce que je n'avais pas envoyé de carte de voeux !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Une carte de voeux est donc à tes yeux plus importante qu'un cadeau... Hé bien les prochaines années, tu te contenteras de ça... et encore... j'hésite vraiment, ce soir...

Evidemment, ces 3 jours chez toi ne se sont pas résumés à ça : ton homme, alcoolique depuis 20 ans, déjà saoûl à 10h du matin.
Bien sûr, en cette période de fêtes, on ne fait pas trop attention, mais lui, c'est toute l'année... et c'est la mauvaise humeur qui l'accompagne toute l'année également, les critiques, les remarques désobligeantes, les insultes. Il te traite comme un chien, comme une moins-que-rien et tu ne bouges pas. C'est ton choix de vie, je ne dis plus rien, mais en cette période de fêtes et devant les gens, il pourrait faire un effort, non ?
Non.

Si je venais avec le sourire, c'était aussi parce que je venais t'annoncer une bonne nouvelle. Je pensais innocemment que tu serais heureuse pour moi.
Je venais te dire que j'allais faire une grosse expo en 2008 avec une auteure très connue, que j'allais suivre mon cousin en concert pour le photographier et lui faire la pochette de son prochain album, que je bossais sur un gros projet de bouquin ; en bref, qu'au niveau professionnel, ça démarrait enfin vraiment, et qu'en 2008, ça serait même carrément génial, et tout ce que j'ai eu comme réaction de ta part, ce sont des remarques négatives, des critiques. Aucune joie, aucune fierté, rien.
C'est dur de voir les personnes qui sont censées nous porter le plus sur cette terre ne soient pas heureuses des choses positives qui peuvent nous arriver.
Une mère, c'est censé pousser son enfant, l'encourager, le féliciter s'il réussit. Une mère est censée être fière de la réussite de sa progéniture, non ?
Non. Pas toi.
Ta spécialité, c'est de descendre les gens, les démonter, détruire toute leur joie et tous leurs espoirs. Et je le sais maintenant : je ne pourrai jamais compter sur ton appui et ton soutien, je ne pourrai jamais compter sur ma mère, celle qui m'a mise au monde.

Je t'ai dit que j'allais travailler avec une auteure de romans érotiques et que pour cette expo, j'allais photographier du nu ou des trucs à tendance un peu érotique. Je t'ai bien précisé "pas de porno", mais non, rien à faire : sous prétexte que je vais photographier du nu, et EN PLUS en collaboration avec une auteure de romans érotiques, ça y est, je sombre dans la déchéance, dans la perversité, je suis assimilable aux putes qui traînent sur les trottoirs les plus malfamés de la ville.

Tu massacres mon travail alors que tu n'as jamais pris la peine de t'intéresser à mon boulot !
Tu massacres mon aptitude à faire une expo sous prétexte que j'avais arrêté mes études de photo pour cause de grossesse.
Tu critiques cette auteure connue et reconnue sans jamais avoir lu un seul de ses bouquins, sans même la connaître. Sous prétexte que ça touche au domaine de la sexualité et de la sensualité, c'est forcément, pour toi, assimilable au sale, au porno glauque, aux pervers, aux arnaques en tous genres, aux abus.
Tu ne crois pas en moi, en ton propre enfant... et que va dire la famille quand ils sauront ??!!

Tu ne t'es jamais intéressée à mon travail et sans savoir, tu critiques tout. Tu as forcément raison, oui, c'est sûr.

J'avais bien essayé de te montrer mon travail il y a quelques temps : je t'avais fait un CD regroupant quelques photos.
Tant que je photographiais ma fille ou mes chats, ça te convenait parfaitement, mais dès que tu as vu Yann torse nu ou le décolleté de Stéphanie, tu m'avais regardée de travers. On ne voyait pourtant rien de répréhensible... Heureusement que je ne t'ai pas montré le reste !
Puis cette photo de moi... on ne voyait que mon reflet dans le miroir, ma tête et mes épaules dénudées, rien d'autre, et ce fût le choc pour toi. Voir mes épaules en photo, c'était comme si tu avais vu le diable en personne. On n'y voyait même pas de décolleté, non, juste mon reflet dans le miroir, reflet coupé au niveau des épaules, et c'en était déjà trop pour toi.
Oui, heureusement que je ne t'ai pas montré le reste...
Tu es coincée, ok j'accepte. Chacun son truc. Mais de là à démonter mon travail et critiquer cette future expo, cette auteure qui veut bosser avec moi... tu devrais plutôt être contente pour moi, être fière, m'encourager...

Puis le point sensible : l'expo se fera à Paris.
Paris. LE mot à ne pas prononcer en ta présence.
J'y étais partie il y a 2 ans et demi, en pleine dépression, pour couper les ponts avec ma vie d'ici, pour couper les ponts avec toi. J'y étais partie plusieurs mois, n'ayant plus aucun contact avec toi pendant toute cette période. La meilleure de ma vie.
Ces mois loin de toi, sans plus aucun contact avec toi, m'ont été salutaires. Ils m'ont fait un bien fou.
Tu sais que j'étais partie à cause de toi. Je ne voulais plus te voir, t'entendre. J'avais interdit à quiconque de me parler de toi. Et j'étais bien. Vraiment bien. Un peu paradoxal quand on sait que j'étais en pleine dépression, mais pourtant tellement vrai.
Quand je suis revenue, j'allais mieux, mais petit à petit, tu as fait ta réapparition dans ma vie, tentant d'en prendre le contrôle un peu plus chaque jour.
Je me rends d'ailleurs compte que m'offrir ce piano pour mes 30 ans, ce n'était pas si innocent que ça : quand tu fais des cadeaux, tu attends toujours que la personne qui les reçoit te soit redevable. C'est une manière pour toi de contrôler les autres, d'asseoir ton autorité, les culpabiliser s'ils ne font pas ce que tu as décidé. Des cadeaux toujours empoisonnés.

Le mot a donc été laché : Paris.
Ta fille sera amenée à s'y rendre de plus en plus souvent, pour le boulot.
Je sais que tu redoutes une chose : que je retourne m'y installer. Alors autant te le dire de suite : c'est dans mes projets depuis le jour où j'étais revenue ici il y a 2 ans. En réalité, je n'ai jamais voulu revenir. Si je l'ai fait, c'est parce que j'avais fait l'erreur de partir trop vite, sur un coup de tête, sans vraiment prendre le temps de préparer les choses et, surtout, j'étais partie en laissant ma fille chez son père, pensant qu'elle viendrait me rejoindre plus tard.
Les choses ayant été mal préparées, le temps passait et je ne la voyais pas venir me rejoindre avant plusieurs mois. Elle me manquait trop alors je suis revenue. Pour elle. Pas pour toi.
Je suis revenue pour elle, mais en gardant bien à l'esprit que je referais le chemin en sens inverse dès que l'occasion m'en serait donnée. Parce que Paris, pour toi, c'est la ville maudite, celle qui t'enlève ta fille, mais pour moi, c'est l'endroit où j'ai vécu les meilleurs moments de ma vie : loin de toi. Il est donc pour moi évident que j'y retournerai et que je couperai à nouveau les ponts avec toi. Le plus tôt sera le mieux.
Mais bon... cette fois, je veux bien préparer les choses, ne pas partir à la légère et surtout, emmener ma fille avec moi, ne plus la laisser chez son père.
Là, les choses se mettent en place : je passerai encore plus de temps à Paris cette année, et bien sûr, ça te stresse.
Histoire de m'empêcher de repartir, tu as déjà tenté la culpabilisation pendant ces 3 jours passés ensemble : on était là pour passer Noël ensemble, mais non, tout a été prétexte à enfoncer le clou : "tu es déjà partie là-bas et revenue en 2 temps 3 mouvements", "tu vas encore abandonner ta fille", "tu la prends pour un paquet de lessive, tu la ballottes d'un endroit à l'autre", "et qui va s'occuper de ta fille quand tu seras à Paris", "tu as voulu un enfant, il serait temps de penser à elle et assumer", "tu vas encore partir et te vautrer", "tu vas te retrouver sans rien", "on va se foutre de toi", "tu vas tout rater et c'est encore moi qui devrai ramasser les pots cassés", ...
Tu m'as clairement dit que tu préfèrerais me voir rester ici et être au chômage, sans rien avoir à mettre à manger dans l'assiette de mon enfant à la fin du mois, plutôt que me voir réussir mon expo à Paris ! C'est sympa, jte jure...
Pour toi, l'important est que je reste ici, sous ta coupe, à te laisser diriger ma vie, prendre les décisions qui te chantent, décider de tout, offrir tes cadeaux empoisonnés et massacrer ma vie, mon moral... Le fait que je réussisse ma vie professionnelle, tu t'en fous complètement.
Tu préfères me voir ramer ici, c'est tellement plus gratifiant pour toi, de te dire que tu es là pour sauver ta fille de la misère.

Alors cette fois, que les choses soient claires : VA TE FAIRE FOUTRE !
J'en ai marre de t'entendre me dire que je suis une mauvaise mère, que je ne réussirai jamais dans la vie, que sans toi je ne suis rien, que mon expo va me faire sombrer, que je vais tout rater, qu'on va m'arnaquer, etc...
Je t'interdis de me traiter de mauvaise mère, car sérieux, niveau mauvaise mère, tu te poses là ! Je ne suis pas parfaite, loin de là, mais je n'ai vraiment pas l'impression d'être une mauvaise maman, que du contraire : je l'écoute, je l'aime, je l'encourage, je la soutiens, je la pousse, je la respecte et je la laisse libre de ses choix. Tout ce que toi, tu n'as jamais fait pour moi. Je te trouve d'ailleurs vachement gonflée d'oser venir te poser en donneuse de leçons !
Je t'interdis d'encore venir me dire que j'ai abandonné mon enfant en partant à Paris il y a 2 ans et demi et que je vais encore l'abandonner dans les mois qui viennent. Je t'interdis de me le dire et je t'interdis aussi, encore plus, de lui dire à elle !!! Car je sais que tu ne t'es pas gênée par le passé !
Je n'ai jamais abandonné mon enfant : elle était sous la bonne garde de son papa !! Et j'étais en contact téléphonique tous les jours avec elle, sans compter les heures passées sur internet avec la webcam. Elle devait venir me rejoindre une fois que j'aurais trouvé un logement adapté pour elle et moi, je n'ai jamais pensé une seule seconde à me séparer d'elle.
Je ne compte pas non plus me séparer d'elle et l'abandonner dans les prochains mois : j'irai bosser à Paris les w-ends et pendant les congés scolaires, quand elle sera chez son père. Et si d'aventures, je devais me déplacer là-bas en semaine, quand elle est chez moi, je demanderais à quelqu'un de venir la garder à la maison et je ne m'absenterais que quelques jours. Et le jour où j'irai de nouveau me réinstaller là-bas, elle viendra avec moi, plus question de la laisser.
Et si je fais tout ça, c'est pour réussir ma vie professionnelle, car quoi que tu puisses en penser, réussir dans son boulot, c'est important. ça l'est pour moi. Parce que je veux justement que ma fille soit fière de moi. Parce que ça me permettrait de lui offrir une vie meilleure. Puis elle ne sera pas toujours là, elle va grandir et voler de ses propres ailes, et alors là, je ferai quoi ?
Alors oui, je vais bosser et faire cette expo et ça va marcher, je vais réussir. Que ça te plaise ou non. Et traite-moi de fille de mauvaise vie parce que je photographie du nu si ça te chante. Et traite-moi de fille indigne parce que je ne suis pas reconnaissante de tes cadeaux empoisonnés si ça te chante.
Mais je t'interdis à nouveau de dire que je vais partir en abandonnant ma fille, je t'interdis de me traiter de mauvaise mère.
Non mais sérieux, tu te rends compte des accusations que tu portes ??!!! Tu te rends compte du traumatisme que tu veux faire subir à ma fille en lui disant de telles choses ??!!! Tu n'en as donc pas suffisamment fait avec moi ??!!! Il faut en plus que tu démontes la vie de ma fille ??!!

C'est pour ça que je veux partir. Pour t'empêcher de lui faire autant de mal que tu m'en as toujours fait.

mercredi 12 décembre 2007

Everything changes

Un texto de toi hier qui commence par "mes deux chéries...".
ça fait bizarre de lire ça. Oh bien sûr, tu m'appelles souvent chérie ou d'autres petits surnoms stupides que je déteste, mais tu ne l'avais jamais écrit, même pas en texto. Et ça peut paraître con, mais... quelque part, ça m'a fait plaisir de lire ça...
Tu m'as appelée deux fois aujourd'hui, pour des broutilles, juste pour me parler et entendre ma voix. Depuis quelques semaines, tout va relativement bien entre nous et c'est tant mieux, mais je n'ai pas l'habitude et j'avoue que ça me déstabilise un peu. J'ai tendance à être sur la défensive, je m'attends à chaque instant aux mots qui me blesseront... mais ils n'arrivent pas.
Au contraire.
Pour la première fois depuis que j'ai quitté ta maison, tu me demandes si j'ai suffisamment d'argent pour vivre et nourrir ma fille, suffisamment pour boucler les fins de mois.
Je dois bien t'avouer que du temps de mon mariage, j'ai ramé à ce niveau plus que de raison : un mari qui dilapide tout son salaire, c'est sûr que c'est pas facile à gérer, mais jamais pendant toutes ces années, tu ne t'es souciée de savoir si j'avais à manger dans mon assiette les derniers jours du mois.
Depuis que j'ai quitté mon mari, c'est la même chose : je me retrouvais seule avec un enfant à élever mais jamais tu n'as posé la question.
Alors qu'est-ce qu'il se passe pour que tu te soucies de moi maintenant ?
Tout ça ne tourne pas rond.
Aurais-tu enfin pris conscience de tes erreurs et de tes lacunes ? Est-ce ta maladie qui avance et te fait prendre conscience que bientôt, tu ne seras plus là pour nous ?
Tu n'en parles jamais, de cette maladie, ou si peu... Il faut presque te tirer les vers du nez.
Je sais que tu vas bien, maman, mais... est-ce que tu pourrais vraiment me l'affirmer en me regardant droit dans les yeux ?
Lors de ma dernière visite chez toi, tu m'as demandé de passer l'aspirateur et de faire la vaisselle, choses que tu m'interdisais toujours de faire avant. Serait-ce devenu trop pénible pour toi ?
J'aimerais que tu me dises ce qui ne va pas, pourquoi tous ces changements, mais j'ai peur de t'en parler... Je sais que tu ne diras rien, que tu nieras, comme toujours. Tu n'as jamais admis tes faiblesses. Ton propre père disait souvent que tu mourrais debout. Et j'ai tendance à le croire.
Je pense que c'est à cause de cette maladie que je ne parviens pas à t'en vouloir et à te parler de tout ce qui ne va pas dans ma tête et dans ma vie. ça me fait mal de te dire ça mais tu es vraiment responsable de beaucoup de choses. Involontairement et inconsciemment bien sûr, je sais que ce n'était pas ton intention, mais le résultat est là. Malgré tout.
Je repensais hier à mon père. Je ne l'ai jamais vu, jamais connu ; pendant des années, tu n'as rien voulu me dire de lui. Je me souviens d'ailleurs que petite, tu m'avais affirmé qu'il était mort.
Je me souviens de nos visites annuelles au cimetière, sur les tombes de tes grands-parents, et de mes questions : "Et pourquoi on ne va pas sur la tombe de mon papa?". La réponse, toujours la même : "tu es trop petite".
Je ne comprenais pas : trop petite pour aller voir mon père, mais pas pour aller voir les grands-parents ?
J'ai insisté pendant longtemps pour avoir des réponses, jusqu'au jour où tu as craqué, m'avouant de ton regard noir qu' "il n'est pas mort, il est parti : il voulait un garçon et tu es une fille, il n'a pas voulu de toi et il est parti".
As-tu conscience du choc que j'ai ressenti à ces mots ? As-tu conscience du mal que tu m'as fait pendant toutes les années qui ont suivi ?
C'était lourd à porter, toute cette culpabilité : j'étais une fille, j'avais fait quelque chose de mal. J'étais une fille, on ne voulait pas de moi, j'étais de trop.
As-tu conscience que si je me suis habillée comme un garçon pendant des années, c'était à cause de tes mots ? Peut-être suis-je bi maintenant à cause de ça ? Qui sait... Si j'avais été un garçon, j'aurais aimé les filles...
Je m'en suis voulue de vivre pendant trop longtemps, j'ai eu beaucoup de mal à assumer ma féminité, d'autant que pendant des années, tu m'as rabaissée constamment. Tu t'immiscais dans la salle de bain quand je prenais ma douche et tu inspectais chaque partie de mon corps : un bouton, dix grammes en plus, des fourches dans les cheveux, un ongle cassé. Tu ne ratais aucun détail. Et pendant des années, j'ai vécu tes intrusions dans la salle de bain comme des viols, chose qui m'a été confirmée plus tard par mon psy : dans le langage des psys, on appelle des viols psychologiques. Merci maman.
Je n'avais pas été assez bien pour mon père vu que j'étais née fille et là, je n'étais pas assez bien pour ma mère, elle me trouvait tous les défauts de la terre, je n'étais jamais assez parfaite à ses yeux. J'aurais tant aimé lire de l'amour et de la fierté dans ton regard...
Encore maintenant d'ailleurs... même si je peux aujourd'hui lire de l'amour dans tes yeux, ta bouche me dit souvent les mots qui blessent : "je peux une fois de plus être fière de toi", "tu ne réussiras décidément jamais rien", "sans moi derrière pour ramasser les pots cassés", la voix pleine de reproches et je ne sais même pas pourquoi : je ne considère pas avoir raté ma vie, même si tout n'est pas parfait. Oui, j'ai fait des erreurs, des mauvais choix, j'ai vécu de mauvaises choses, mais regarde ma vie aujourd'hui : je vais mieux et de nouveaux horizons s'offrent à moi... et ça, c'est pas grâce à toi.

mercredi 5 décembre 2007

Lève-toi et marche

Il m'aura fallu trois jours de solitude pour digérer trois jours avec toi, ces trois jours à tes côtés, ce w-end en famille.
C'est toujours difficile pour moi, même si les choses vont mieux entre nous. On ne se dispute plus comme avant, nos relations sont plus calmes mais nous ne parvenons toujours pas à vraiment communiquer. Et quelque part, ça me manque, maman.
J'aimerais tellement avoir une relation normale avec ma mère, ne pas avoir peur de te parler, te prendre dans mes bras, te dire que je t'aime. Et pourtant... je ne me rappelle pas l'avoir fait un jour. Je ne me rappelle pas un seul câlin, je ne me rappelle pas un seul "je t'aime". Ni venant de moi, ni venant de toi.
Tu n'as jamais su me le dire, me le montrer de la bonne manière et pendant longtemps, ça a fait de moi une handicapée de l'amour. Je crois d'ailleurs que je le suis encore.
J'essaie de ne pas reproduire les mêmes erreurs avec ma fille, je fais attention... mais à force de te prendre en contre-exemple, je passe ma vie à psychoter, avoir peur du faux-pas, avoir peur que ma fille ressente ce que j'ai ressenti si longtemps.
Je pense que je m'en sors bien : elle et moi avons une bonne relation, mais ce n'est pas grâce à toi. Quoique...
J'ai tellement peur de te ressembler que j'en arrive à faire l'inverse de ce que tu m'as appris... et pour le moment, ça marche, mais pour combien de temps encore ?
Au fond de moi, je sais que tu m'aimes, je le sais, rassure-toi. Je le sens malgré tout ce mal. Mais putain, qu'est-ce que tu t'y prends mal !
Oh je sais que ce n'est pas de ta faute. On ne t'a jamais appris non plus à montrer tes sentiments, prouver ton amour autrement que par les choses matérielles.
Prendre dans tes bras, faire des calins et dire "je t'aime", tu le fais maintenant avec ta petite-fille, tu tentes de rattraper le temps perdu, tu tentes de te faire pardonner à coups de cadeaux... mais le temps ne se rattrape pas, maman...
Je sais que tu as fait de ton mieux, je ne t'en veux pas pour ça, je ne t'en veux finalement pour rien du tout car je sais que tu pensais bien faire, mais malgré tout, il faut bien avouer que tu as tout raté.
Tu voulais faire de moi quelqu'un de bien. Je ne sais pas si je le suis. J'ai traversé tant de choses que tu ne sais pas.
Je suis souvent tombée, maman... et pas des meilleures façons qui soient... mais tu as quand même réussi à m'enseigner la ténacité et la volonté, cette capacité à se battre et se relever quoi qu'il arrive. Tu m'as aussi appris à mentir et me voiler la face. Voiler celle des autres aussi, maintenir les apparences, sourire devant les gens, jouer la comédie.
Grâce à toi, je suis devenue une très bonne menteuse. Mais Dieu que je déteste ça !
Pendant des années, je t'ai vue te faire massacrer par ton homme et te relever après les coups. Défigurée mais debout.
Je suis un peu pareille. Complètement cassée mais debout.
Lève-toi et marche.
Tu voulais faire de moi quelqu'un de bien. Je ne sais pas si je le suis, mais j'essaie. Je me dis que peut-être un jour, j'y arriverai. Je m'accroche, tu sais... je ne fais plus que ça, m'accrocher... à des branches qui ne cessent de se briser les unes après les autres.
Et j'affiche toujours ce sourire, je ris devant les gens, je sors, je bois, je danse... Foutaises !
Derrière le masque, le clown pleure.
C'est d'ailleurs bizarre, j'oscille entre un trop-plein de volonté, une rage de (sur)vivre, une ténacité à toute épreuve et ces moments où je lache tout, je sombre, je suis incapable de m'en sortir.
En ce moment, je touche le fond. Je le cache aux autres, je tente de ne pas le montrer, mais je sens que la dépression reprend le dessus. J'alterne les moments de grande euphorie et les moments de grosse déprime, ça varie parfois d'heures en heures et ça m'épuise.
....
Mais jamais tu ne me demandes comment je vais. Jamais tu ne t'intéresses à moi, à ma vie, à ma santé, à mon état mental. Tu sais pourtant que je suis en dépression depuis 3 ans. Tu sais pourtant que je vais voir un psy deux fois par semaine. Tu sais pourtant que je suis noyée sous les anti-dépresseurs et les anxyolitiques. Mais tu te voiles la face : ma fille sourit, elle va bien.
Mon cul, oui !
Comment est-il possible de démissionner à ce point ? Comment est-il possible de laisser son enfant sombrer et descendre si bas ? Comment peut-on lui dire qu'on n'est pas responsable, que sa dépression, c'est juste une excuse pour foutre la merde ?
Je n'oublierai jamais tes mots. Ni ton regard méprisant ce jour-là.
Je n'ai jamais voulu foutre la merde entre lui et toi, maman. Jamais ! Au contraire...
Je sais le mal qu'il peut te faire, la violence dont il est capable et je suis loin de vouloir que ça recommence. Mais j'ai besoin de m'en sortir, j'ai besoin de respirer enfin, j'ai besoin de vivre et pour ça, il me faut mettre des mots sur les maux, il me faut régler certains comptes, remettre les responsabilités à leur place, arrêter de culpabiliser.
Ce n'est pas moi qui t'ai battue toutes ces années, ce n'est pas moi qui t'ai quitté alors que tu étais enceinte, ce n'est pas moi qui t'ai viré de ton dernier emploi, ce n'est pas moi qui suis responsable des disputes avec tes frères et soeurs, ce n'est pas moi, ce n'est pas moi !
Depuis ma naissance, j'ai toujours été coupable de tout. Tu m'as toujours tout reproché : le départ de mon père, la violence de mon beau-père, les disputes familiales...
Tu as toujours réussi à me culpabiliser :
Selon toi, je ne travaillais pas assez bien en classe. J'étais pourtant 2ème de classe avec une moyenne de 96%...
Selon toi, j'étais nulle au piano. J'étais pourtant 2ème de ma promotion "avec grande distinction" et mon prof de piano a pleuré quand j'ai arrêté les cours car il me voyait déjà grande pianiste...
Selon toi, j'étais trop petite, trop grosse, pas assez jolie. Tout le monde me disait pourtant très jolie... et quand je regarde les photos de moi enfant, je me rends bien compte que je n'étais pas tout ce que tu me disais.
Selon toi, j'ai raté ma vie en arrêtant mes études, en épousant cet Africain qui allait profiter de moi et de mes papiers pour m'abandonner ensuite, pour faire cet enfant. Mais vas-y, maman, vas-y ! Regarde "cet enfant" dans les yeux et dis-lui que sa mère a tout raté, dis-lui qu'elle est une erreur, dis-lui qu'elle est ratée et que tout est de sa faute ! Vas-y, culpabilise-la, elle aussi.
Tu as pleuré pendant une semaine quand tu as appris que j'étais enceinte et que j'allais épouser un Noir. Pour toi, je foutais tout en l'air... C'est pourtant lui qui m'a sauvée. Bien plus que tu l'imagines.
Et ce qui est marrant, c'est que tu as tout fait, pendant 7 ans, pour massacrer mon mariage, casser du sucre sur le dos de mon mari... et quand je l'ai quitté, en grande partie par ta faute, après 7 ans de vie commune, tu as encore réussi à me dire que "décidément, je ratais tout".
Pour toi, mon mariage avait été une erreur, mais mon divorce en était une bien plus grande.
Qu'allaient bien pouvoir dire les voisins, la famille, les amis ? Quelle honte sur toi de devoir annoncer que ta fille divorce ! J'allais être la cible des moqueries, c'est sûr... et toi aussi, par la même occasion.
Mon échec, c'était le tien : j'avais arrêté mes études, fait un bébé à 20 ans et maintenant, je divorçais, tu avais donc raté mon éducation, je n'étais pas la "fille bien" que tu avais souhaité.
Tu me le reproches d'ailleurs assez souvent : "je ne t'ai pas élevée comme ça"... Oh ben non, c'est sûr ! Si je devais vivre comme tu m'as élevée, je me serais tirée une balle depuis longtemps, maman ! Ou alors je serais une personne mauvaise et acariâtre, coincée dans des schémas qui ne me correspondent pas.
Je vis ma vie comme je l'entends et ce, même si ça te dérange. Et je ne regrette rien. Même si j'ai connu le pire.
Je sais que je te déçois beaucoup, tu me le répètes assez souvent, mais sache que malgré toutes les merdes que j'ai traversées, je suis fière de mon parcours : J'ai traversé les pires choses dans ma vie, mais comme tu me l'a appris, je suis toujours debout, je me relève.
Finalement, tu devrais plutôt être fière de moi, tu crois pas ?

vendredi 30 novembre 2007

Chère Maman,

Il est des choses dont j'ai envie de te parler depuis longtemps, mais je n'ai jamais pu te les dire. Quand je suis devant toi, les mots ne sortent pas car je sais que même s'ils sortaient, tu ne les entendrais pas, tu ne voudrais pas les entendre et même si tu le voulais, j'ai bien peur que tu ne le puisses pas.
Tu es assez catégorique, autoritaire, tyrannique. Tu ne te remets jamais en question. Et la seule fois où j'ai tenté d'aborder le sujet avec toi, il y a 2 ans et demi, je me suis heurtée à un mur. Je me suis heurtée à un monstre d'égoïsme qui a réussi à me culpabiliser encore plus, qui ne m'a pas écoutée, qui ne m'a pas entendue.
Tu sais que tu as des torts mais ils sont trop durs à regarder en face et assumer. C'est tellement plus simple de dire que tout est de ma faute. Ou de la faute de mon mari. Le coupable idéal.
Mais il n'en est rien, maman.
Depuis des années, je suis en psychothérapie et depuis des années, je ne parviens pas à m'en sortir.
Mon psy m'a maintes fois conseillé d'en parler avec toi, calmement, trouver le moment opportun, mais ce n'est jamais le bon moment. Tu ne pourras jamais admettre que tu aies pu te tromper et faire les mauvais choix, tu ne pourras jamais supporter cette responsabilité, celle que si je rate ma vie maintenant, c'est en grande partie à cause de toi.
ça me fait mal de te dire ça, vraiment, mais c'est pourtant la stricte vérité.
Une mère est là pour élever son enfant, l'élever dans tous les sens du terme. Toi, tu n'as fait que m'enfoncer, me rabaisser. Avais-tu peur que je devienne plus grande que toi ?
Je le suis devenue, maman. Je suis plus grande que toi. J'ai du mal à avoir confiance en moi et être fière de mon parcours et ce, malgré le fait que je me sois relevée du pire, que je m'en sois sortie, j'ai vraiment du mal à me sentir grande. Pourtant, je crois que je le suis.
Je crois que je vaux plus que ce que tu penses de moi, je crois que je suis mieux que ça, je crois que je suis plus forte que tu crois, mais tu mets tout en oeuvre pour que je ne parvienne pas à m'en persuader vraiment. Et les rares fois où j'y arrive, tu me remets rapidement au tapis.
Aujourd'hui, je suis fatiguée, maman. Fatiguée de toujours m'en vouloir, fatiguée de toujours culpabiliser, fatiguée de me sentir mal, fatiguée de ne pas m'aimer et m'accepter, fatiguée de subir tes sarcasmes incessants.
Je sais que tu m'aimes, je t'assure, mais tu le montres mal. Très mal.
Tu ne sais pas comment faire et pour ça, je ne t'en veux pas. Mais il est temps pour moi de remettre les choses à leur place : je ne suis pas responsable de tout. La vraie coupable, pour beaucoup de choses, c'est toi.