mardi 10 juin 2008

Elle est folle, enfermez-la, elle est folle !

Il me revient souvent en mémoire des scènes du passé, des mots, des cris, des larmes. Cette sensation de vide à l'intérieur de moi, mon estomac qui se tord, cette peur panique qui me prend subitement. Ca me passe assez vite maintenant, heureusement, ce sont juste des flashs, mais suffisants pour me faire changer d'humeur assez rapidement.
J'apprends à me maîtriser un peu plus chaque jour et je dois dire que là, maintenant, ça va bien, ça va mieux.
Ce matin, une phrase me revenait sans arrêt : "elle est folle, il faut l'enfermer à l'asile".
Je me suis souvent demandé, ces dernières années, si finalement, il n'avait pas eu raison de répéter ça sans relâche. Peut-être suis-je vraiment folle ? Un danger pour les autres, une schizophrène à enfermer ?
J'essaie de me raisonner mais c'est dur. J'ai l'impression parfois d'avoir été conditionnée pour penser que je n'étais pas normale. Difficile d'oublier et de m'enlever ces idées de la tête définitivement.
Bien sûr, ça me fait culpabiliser. Je me dis que si quelque chose se passe mal, c'est forcément de ma faute. Puisque je suis folle. Puisque je ne suis pas normale. Je suis forcément fautive.
J'ai du mal à me défaire de ce sentiment de culpabilité. Je me répète sans cesse que si j'avais fait autrement, si j'avais dit autre chose, tout se serait passé différemment...
Je sais que ce n'est pas bien, on ne refait pas le passé, et tout n'est pas de ma faute, j'essaie de m'en persuader, mais c'est souvent si dur...
Je ne te dis pas merci pour ça non plus, maman... toutes ces fois où il a dit qu'il fallait m'interner et où tu n'as rien trouvé à lui répondre pour prendre ma défense. Ses mots ont été imprimés dans mon cerveau et j'ai l'impression que je ne pourrai jamais les effacer.

Je pense que je n'oublierai jamais non plus certains bruits et certaines odeurs. Celle insupportable de ses bouteilles de bière, l'odeur de poussière quand il faisait les travaux dans la maison, le bruit de ta tête cognant sur la baignoire quand il te battait, ses yeux rougis d'alcool et de colère quand il était sur le point de s'avancer vers toi. Il est des choses qu'on n'oublie jamais.
Et finalement, heureusement. C'est ce qui me permet de fuir maintenant les personnes violentes, agressives, repérer assez vite les alcooliques et les éviter au maximum. Mais la peur ne me quitte jamais, je ne me sens jamais en sécurité nulle part, avec personne.

Hier soir, la petite était dans la baignoire et comme à son habitude, elle jouait un peu dans l'eau. A un moment, son coude a cogné contre le rebord et le bruit sourd qui s'est fait entendre à ce moment m'a fait replonger 15 ans plus tôt : lui et toi, enfermés à clé dans la salle de bain, ses cris et ta tête qui cogne contre les murs, le lavabo, la baignoire. J'étais de l'autre côté de la porte, à la frapper et lui hurler d'arrêter, mais il n'arrêtait pas. Il n'arrêtait jamais. Tu étais tellement sonnée que tu n'avais même plus la force de réagir, d'émettre le moindre son, aucun gémissement, aucun râle, aucun cri. Ta tête comme putching-ball.
Quand il a enfin ouvert la porte, c'était pour me laisser ce spectacle des murs blancs devenus rouges, tes lèvres explosées, tes yeux ravagés, ton nez pissant le sang. Et toi, sans plus aucune réaction, la tête dans le bidet, affalée à côté de la baignoire.
Depuis 15 ans, cette scène me hante et me revient sans cesse, presque chaque nuit, elle m'empêche de dormir, elle me réveille. J'en arrive à avoir peur de fermer les yeux car je sais qu'il est fort probable pour que ces images peuplent mes cauchemards.

Depuis plusieurs années, il est resté très agressif, rabaissant et violent en paroles à ton égard. Vis-à-vis de moi et du reste du monde aussi. La bonne nouvelle est qu'il ne te bat plus. Il aura au moins arrêté ça. Et depuis plusieurs années, vu qu'il n'est plus violent physiquement, tu me demandes de faire des efforts, tu me reproches souvent de ne pas en faire pour qu'il y ait un bon climat entre nous, tu me dis que je suis de mauvaise volonté, qu'il ne mérite pas ça vu qu'il s'est calmé.
Mais maman, dis-moi, sérieusement : comment tu fais, toi, pour oublier tout ça ? Pour l'excuser, lui pardonner ? Avoir confiance ? L'aimer encore ? Ne pas lui en vouloir ? Comment tu fais, dis-moi ? Parce que depuis des années, des efforts, j'en ai fait, crois-moi, mais plus le temps passe et plus je lui en veux, plus je le déteste et plus mes envies de meurtre augmentent un peu plus chaque jour.
Je ne passerai pas à l'acte, ce n'est pas nécessaire, son cancer l'emportera, mais ce jour-là, sache que ce sera un des plus beaux jours de ma vie. Ce jour-là, je rirai. Et ce sera lui, le fou, enfermé... entre 4 planches.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tu n'es pas schizophrène loin de là mais plutôt bipolaire.
Avoir des hauts, des moments d'euphorie, puis ensuite des bas des dépressions.

Je suis comme ça, et j'ai vécu à quelques détails près la même vie que toi.
J'ai l'impression que tu écris en partie ma vie et je comprends ta souffrance.

Parles-en à ton psy des troubles bipolaires qui ne sont en rien une folie, je te rassure.

Je mets ton blog dans les coups de coeur car c'est ma vie que tu retanscrit ici.

Bon courage
Gwen